J’aimerais inaugurer mon nouveau blog par une réflexion sur le classement des étudiants par niveaux dans les écoles de tango. Il y a quelques années, un de mes modèles; le « grand » Gustavo Naveira, me confiait que la création de niveaux est une invention européenne et nord-américaine et ne reflète pas l’enseignement traditionnel et historique portègne où les classes ouvertes multiniveaux sont très répandues. Il ajoute même : « Depuis la création du classement par niveaux, les danseurs me semblent progresser moins vite ! » Sur le coup, cette affirmation m’étonna et après une courte réflexion (10 secondes), il apparut logique que le fait de partager le plancher avec des danseurs plus avancés ne peut que nous tirer vers le haut en nous faisant travailler plus fort! Pour les plus avancés, la pratique des éléments de base, classés comme « débutants » qui nous semblent à priori acquis, ne peut que raffiner notre style et notre élégance.
Cette approche est certes plus exigeante pour les enseignants et peut amener certaines frustrations de la part des participants (trop facile ou trop difficile).
Quel est votre avis en tant que prof ou élève ? Pourrait-on promouvoir davantage cette approche à Montréal en limitant le classement à 2 catégories: novice ou initié? Est-ce que la culture de performance nord-américain et en même temps la tendance à « ménager » la clientèle pour éviter de les frustrer s’y prête ? Exprimez-vous...
Louise Jalbert dit
En tant qu’étudiante de tango, je suis très ouverte à cette approche, d’autant plus si celle des enseignants à Buenos Aires. L’émulation avec des plus avancés que soi ne peut être que bénéfique. Pour ma part, j’adorerais ça.En danse comme en toute pratique artistique, peut-on vraiment se targer d’être de tel ou tel niveau? Ça donne une mesure rassurante, mais on est toujours en train d’apprendre et de se développer, et on gagne toujours à repasser par la base tel que tu l’as justement dit, Bernard. Bravo pour ton nouveau site!
JP Dupéré dit
Salut Bernard,
Beau site en passant! Je suis entièrement d’accord avec toi. Je pense que les niveaux sont propres à chaque école et ne sont pas transférable d’une école à l’autre (l’enseignement du tango est très différent d’une école à l’autre). Je vois deux utilités à l’existence des niveaux dans une école: premièrement, ça donne une structure d’enseignement au professeur, et la possibilité à l’étudiant de passer à travers le programme complet d’une école; deuxièmement c’est un outil marketing pour conserver les étudiants d’une session à l’autre. À Las Piernas on a déjà tenté l’expérience de cours multi-niveaux, mais sans succès. Les étudiants débutant exigent une structure. Je t’encourage à l’essayer de ton côté. Si ça fonctionne, tu me diras ton secret 😉
Colette dit
Je suis mordue de tango depuis plusieurs années et je donne mon avis tant qu’élève: je trouve le système courant de niveaux désavantageux pour les étudiants, parce qu’on est destiné à apprendre et pratiquer avec nos pairs. En plus je remarque que dans l’enseignement de tango les profs avancent leurs élèves très vite. Ça ne laisse pas le temps aux étudiants (et leurs systèmes nerveux) de s’adapter aux multiple exigences de cette danse complexe. Il y a tellement de choses à apprendre (apart des “pas ou figures de tango”): l’equilibre, le rythme, le mouvement, comment marcher avec un être cher dans ses bras, comment interpréter la musique à deux, etc.
En plus, si on a 6 niveaus, dans la tête des étudiants, niveau 3 est sûrement “moins bon ou moins avancé” que niveau 6, donc tout le monde à hâte d’arriver au plus haut niveau le plus vite possible. Souvent avec des résultats désastreux (mais temporaires).
Si une division en deux niveaux est faisable ici à Montréal, je ne sais pas — mais pourquoi pas trois? Par exemple, j’ai participé aux cours d’une école ailleurs qui enseignait aux débutants, intermédiaires, et avancés. Le droit d’avancer au prochain niveau n’était que donné par les profs, et seulement basé sur les habilités des étudiants et ne pas sur le temps qu’ils ont passé au cours. Cela assure que tous les débutants aient une base consolidée avant d’entrer au monde d’intermédiaires. En plus, cela enlève des cours avancés les élèves qui surestiment leur propre niveau et qui ralentissent l’apprentissage pour les vrais avancés.
Comme guidée, j’ai fait mes niveaux vite-vite-vite l’un après l’autre, mais quand j’ai appris à guider, je suis allée très lentement – un an par niveau, je pense – et ça m’a plu. Le blague est que dans le tango, il y que quelques pas: un pas en avant, un pas de coté, et un pas en arrière. Puis il y a l’entreinte, être ensemble dans la danse, et la musicalité…
Claude B. dit
L’idée est loin d’être inintéressante, mais si je me fie à ce que j’ai constaté depuis déjà 15 ans que je pratique le tango, c’est que les élèves gravissent les échelons sans nécessairement avoir intégré les éléments qu’ils y ont travaillés. Alors chacun monte, de niveau en niveau, et finalement, les classes de niveau avancé se retrouvent avec des élèves de tous niveaux, de toute façon.
Je suis d’accord avec le fait qu’une classe dans laquelle on retrouve des élèves de tous les niveaux peut aider les personnes de niveaux moins avancés tout en permettant aux personnes plus avancées de revenir à la base.
Ceci étant dit, il y aurait peut-être lieu de structurer les cours d’une autre façon. Il pourrait y avoir un cours pour débutants qui permettrait aux participants de bien intégrer les bases du tango, soit : la connexion, la solidité de l’axe, la disponibilité pour la personne guidée et les principes de base pour la personne qui guide, les déplacements, etc. Une fois cela bien intégré, il n’y aurait pas de niveaux supérieurs mais des cours dont l’appellation ferait référence aux éléments qui y sont contenus. Par exemple, un cours pourrait être consacré exclusivement aux tours, un autre exclusivement consacré aux paradas, aux boleos, aux sacadas, colgadas, volcadas, etc. Dans chacun de ces cours il y aurait lieu de toujours consacrer entre 15 et 30 minutes aux principes de base qu’on a tendance à perdre si on y revient plus. Il arrive trop souvent que l’on focalise exclusivement sur les figures quelque peu complexes en oubliant l’âme du tango argentin, c’est-à-dire sa fluidité, sa sensualité, son intériorité, sa musicalité.
Cette façon de faire, permettrait à chacun, tout niveau confondu, de s’inscrire au cours dans lequel il retrouve les éléments qu’il aimerait travailler. Comme on ne ferait plus référence à des niveaux, ceux qui ont l’impression de ne pas avoir suffisamment intégré le contenu, aurait moins de réticence à reprendre le cours. Et pour la personne qui refait un cours pour la 2ième ou même la 3ième fois, il pourrait y avoir une réduction sur le tarif régulier. Enfin, ce ne sont que de simples suggestions, fruit d’une réflexion suscitée et alimentée par les commentaires précédents…